Smart grids, la panacée du réseau marocain ?
Lors de la COP22 à Marrakech en novembre dernier, le ministre marocain de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique a annoncé qu’une étude de faisabilité de l’introduction des réseaux intelligents était en cours. Quel avenir pour les « Smart Grids » au sein de ce pays qui se veut meneur régional de la transition énergétique ?
Le Maroc s’est engagé depuis plusieurs années dans une profonde réforme de son système énergétique, notamment au travers de programmes de déploiement massif des énergies renouvelables. Les enjeux énergétiques du pays sont majeurs : le Maroc doit répondre à des besoins croissants en énergie, réduire sa dépendance aux énergies fossiles et limiter son empreinte carbone.
Les Smarts Grids pourraient constituer l’une des réponses apportées aux problématiques du pays en matière de transition énergétique. En effet, au-delà de leur rôle dans l’intégration de la production renouvelable intermittente au réseau électrique (stockage, gestion des flexibilités…), les Smart Grids constituent un véritable levier pour baisser les pertes induites par la distribution de l’électricité représentant 12% de la production totale en 2011. De plus, un réseau électrique intelligent permettrait au Royaume d’améliorer sa qualité de fourniture d’électricité, de renforcer la maintenance prédictive mais aussi de gérer des nouveaux usages électriques comme les recharges de véhicules électriques.
La mutation progressive du système électrique marocain
L’Office National de l’Electricité et de l’Eau Potable (ONEE) du Maroc a lancé, en 1995, un programme d’électrification rurale qui a permis, en vingt ans, de généraliser l’accès à l’électricité pour l’ensemble des habitants du Royaume. Le pays a poursuivi cette dynamique en lançant des programmes solaires et éoliens. À titre d’exemple, l’un des plus grands complexes solaires au monde a été inauguré en février 2016 à Ouarzazate (centrale « Noor ») avec un objectif de capacité totale installée de 580 MW à horizon 2018, et 5 parcs éoliens d’une capacité totale de 850 MW devraient être construits entre 2017 et 2020. Par ailleurs, plusieurs projets innovants dans le domaine des Smart Grids ont récemment vu le jour, illustrant la volonté du Maroc d’être proactif et d’initier des solutions adaptées aux besoins des citoyens, en particulier en zones reculées. Le village de Tahala abrite l’un de ces projets novateurs : « Smart Grid Tahala » est un réseau de distribution autonome utilisant de l’énergie solaire et un système de communication bidirectionnelle permettant aux habitants de bénéficier de l’eau et de l’électricité gratuitement et sans coupures.
Une ambition d’être pionnier en matière de « Villes Intelligentes », que les Smart Grids ont vocation à accompagner
Un ensemble de solutions Smart Grids accompagneront les villes durables et intelligentes de demain, permettant le développement de services urbains innovants notamment dans les secteurs de l’énergie et du transport. En matière de « Smart Cities », le Maroc aspire à devenir l’un des premiers pays dans la zone Afrique du Nord/Moyen-Orient à lancer ce concept. On peut citer trois projets phares dans ce domaine :
- Le cluster e-Madina qui a pour objectif de rendre la ville de Casablanca plus attractive et plus performante via une transformation de la ville utilisant notamment les nouvelles technologies du numérique ;
- L’éco-cité Zenata qui est l’une des premières éco-cités labélisées en Afrique et dans les pays émergents ;
- La Ville Verte de Benguérir lancée en 2009, un nouveau modèle urbain fondé sur le respect de l’environnement et la promotion du développement durable.
Les raisons de croire au développement des Smart Grids au Maroc
L’émergence des Smart Grids sera favorisée par le soutien accordé au développement des énergies renouvelables et des villes durables. Ce soutien se matérialise par un cadre règlementaire favorable, des financements solides et diversifiés, ainsi que par des partenariats étrangers en termes de recherche et développement, d’innovation et de formation permettant de structurer des filières.
Le cadre juridique et institutionnel marocain structure le développement des énergies renouvelables au travers de deux lois (n°13-09 et n°58-15) qui libéralisent la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et offrent la possibilité de vendre les excédents d’énergie renouvelable produite à l’ONEE. Ce cadre législatif favorise les initiatives privées et les investissements.
Afin de se donner les moyens de ses ambitions et au-delà de son cadre législatif, le Maroc s’est doté de divers moyens de financement pour soutenir sa stratégie énergétique nationale, à savoir :
- La Société d’Investissements Énergétiques, bras financier de l’État ;
- Le « Fonds de Développement Énergétique » avec des ressources équivalentes à un montant de 1 milliard de dollars ;
- Le crédit d’investissement Macharii Effinergie (porté par l’Attijariwafa Bank) destiné aux PME et aux grands industriels ;
- Les programmes d’appui aux PME Imtiaz et Moussanada portés par le Fonds Hassan II ;
- Les banques de développement : l’Agence Française de Développement, la banque allemande KfW, la Banque Européenne d’Investissement, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement.
Par ailleurs, plusieurs programmes et partenariats relatifs à la R&D, à l’innovation et à la formation vont permettre de structurer les filières des énergies renouvelables et du développement durable. Par exemple, l’Institut de Recherche en Énergie Solaire et en Énergies Nouvelles (IRESEN) porte plusieurs projets sur le territoire national, à l’instar du projet de recherche impliquant toutes les universités publiques marocaines pour le développement d’une cartographie du productible photovoltaïque au Maroc. L’IRESEN a également signé une convention de partenariat, en marge de la COP 22, avec l’une des branches opérationnelles de l’Institut Européen d’Innovation et de Technologie, KIC InnoEnergy, dans le but d’encourager l’innovation dans la région Euro-méditerranéenne.
Les défis à relever
Malgré la volonté du Maroc dans la mise en oeuvre de sa transition énergétique qui fera probablement émerger des solutions Smart Grids dans les années à venir, le pays reste confronté à un certain nombre de défis qu’il faudra relever : Quelles mutations du cadre réglementaire seraient nécessaires pour favoriser la mise en place de tels réseaux ? Comment doter l’ONEE des ressources suffisantes pour renforcer ses réseaux, notamment en basse tension, pré-requis nécessaire à l’amélioration de l’observabilité et de l’instrumentation nécessaire à des actions d’envergure sur l’efficacité énergétique ? Compte tenu des budgets déjà engagés dans le développement des énergies renouvelables, quelle stratégie est à adopter pour identifier les fonctions « smart» rentables et adaptées à la stratégie énergétique d’un pays comme le Maroc ? Quels sont les modèles de collaboration et de gouvernance à mettre en place entre les acteurs publics et privés dans les villes « intelligentes » de demain ?
Le Maroc, un « carrefour énergétique »
Le dynamisme du Maroc et sa stabilité politique sont reflétés par son classement en 13ème position dans la liste des pays les plus attractifs au monde en matière d’énergies renouvelables, selon le « Renewable Energy Country Attractiveness Index » établi par le cabinet de conseil EY en octobre 2016. Le développement des Smart Grids viendrait soutenir ce dynamisme et pourrait renforcer le positionnement du Maroc en tant que « hub énergétique » entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient, une stratégie en ligne avec la réintégration récente du pays à l’Union Africaine et son statut de membre associé de l’Agence Internationale de l’Énergie.
À propos de Yélé Consulting
Yélé Consulting est un cabinet de conseil spécialisé dans la transformation numérique et la transition énergétique des territoires et des Utilities. Grâce à notre expertise Smart Grids et Smart Cities, nous accompagnons nos clients, acteurs du secteur de l’énergie et collectivités territoriales, dans leurs programmes d’expérimentations et d’industrialisation Smart Grids, dans la valorisation des données énergétiques à l’échelle d’un territoire, et dans le développement de services urbains innovants et de nouveaux usages intégrés au réseau électrique. Créé en 2010, Yélé compte aujourd’hui près de 60 collaborateurs issus de parcours professionnels au croisement des filières énergétique et numérique. Yélé est membre de l’association professionnelle Think Smartgrids et du pôle de compétitivité Systematic Paris-Region dédié au numérique.