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La gazéification hydrothermale : une réponse innovante aux défis énergétiques et environnementaux

La transition énergétique repose en partie sur l’innovation et l’émergence de nouvelles technologies, capables de réduire notre dépendance aux énergies fossiles et limiter l’épuisement des ressources primaires. Dans notre Conviction #4 Finitude et Circularité, nous proposions des axes de réflexion sur les nouveaux modèles visant à rendre notre économie plus circulaire. Parmi ceux-ci, la gazéification hydrothermale est une méthode prometteuse pour valoriser les déchets organiques (d’origine biomasse ou fossile) et produire des gaz renouvelables / bas-carbone. Aux côtés des autres moyens de production de gaz vert (méthanisation, pyrogazéification et méthanation), elle représente une alternative durable pour renforcer l’indépendance énergétique de la France face aux défis de souveraineté actuels.

Le gaz renouvelable, un allié pour la décarbonation de l’industrie

Encore très dépendantes des énergies fossiles, les industries gazo-intensives (papetiers, verriers, sidérurgistes, cimentiers, chimistes, industrie agro-alimentaire) ont fixé des objectifs ambitieux dans leurs feuilles de route de décarbonation. Certains envisagent le gaz renouvelable comme une solution pertinente leur permettant d’éviter les investissements coûteux pour électrifier certains procédés de production. C’est le cas par exemple des lignes de production de verre plat qui utilisent des températures avoisinant les 1°600°C, faisant du gaz une énergie difficilement substituable sans investissement massif dans la R&D, sans parler des CAPEX.

Les Biogas Purchase Agreement (BPA) apportent une autre dimension économique à cette démarche. En assurant un approvisionnement stable et fiable en énergie verte pour les acteurs industriels, ces nouveaux contrats (le premier a été signé en 2023) réduisent la vulnérabilité aux fluctuations des prix sur les marchés mondiaux de l’énergie et offrent de nouvelles possibilités de rémunération pour les producteurs de gaz renouvelable. C’est le choix que font de plus en plus d’industriels, à l’instar de CMA CGM et Saint-Gobain qui ont été parmi les premiers à sécuriser leurs approvisionnements en biométhane sur le long terme.

Parallèlement, en intégrant la gazéification hydrothermale dans une stratégie d’écologie industrielle et de proximité, les territoires peuvent optimiser la gestion de leurs déchets tout en produisant de l’énergie renouvelable localement. Cette approche permet de créer des circuits courts, favorise les synergies entre les industries locales, les agriculteurs et les collectivités, et renforce la résilience des territoires face aux défis environnementaux et économiques. En France, ce sont au moins 150 millions de tonnes de déchets organiques qui pourraient être traitées et valorisées grâce à cette technologie.

L’intérêt de la gazéification hydrothermale pour valoriser les déchets organiques

La gazéification hydrothermale transforme les déchets organiques en gaz renouvelable ou bas-carbone grâce à une conversion thermochimique utilisant l’eau à l’état supercritique (haute pression, haute température). Après traitement, le gaz produit est injectable dans les réseaux. Le procédé permet aussi de récupérer de l’eau contenue dans les intrants, des métaux, des minéraux et de l’azote. Cette caractéristique rend la gazéification hydrothermale particulièrement adaptée à une approche d’économie circulaire, où les déchets sont transformés en ressources énergétiques réutilisables.

Cette méthode valorise donc les déchets humides, liquides ou mélangeables à l’eau, tels que les boues d’épuration, les eaux industrielles, les résidus agricoles et les déchets alimentaires. Contrairement à d’autres technologies qui nécessitent des matières sèches (comme l’incinération), la gazéification hydrothermale utilise l’eau présente dans ces déchets comme solvant, évitant ainsi les besoins en énergie pour le séchage.

Parmi les autres avantages de la gazéification hydrothermale, on peut citer :

  • un temps de conversion très rapide (entre 1 et 10 minutes),
  • un rendement énergétique allant jusqu’à 85%,
  • un taux de conversion carbone élevé (supérieure à 85%),
  • des installations compactes et modulaires s’adaptant aux environnements urbains et industriels où le foncier est un paramètre important.

Une étude menée par Carbone 4 pour le Groupe de Travail National Gazéification Hydrothermale a permis de valider la conformité de cette technologie avec la future directive européenne sur les énergies renouvelables RED III.

Perspectives pour la filière gazéification hydrothermale en France

Récemment, GRTgaz a lancé un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) visant à recenser les projets industriels français en gazéification hydrothermale. Cet AMI va permettre de dresser un panorama des initiatives en cours, des porteurs de projets, des gisements et de leur potentiel de développement. En rassemblant ces informations, GRTgaz espère non seulement encourager l’émergence de nouveaux projets, mais aussi offrir une vision consolidée de la filière aux pouvoirs publics et aux investisseurs.

Comme pour les autres gaz renouvelables, l’AMI représente une étape cruciale vers l’industrialisation de la filière. Il permettra de gagner les soutiens nécessaires pour limiter la prise de risque des porteurs de projet dans la montée en maturité du procédé. Avec un objectif à court terme de mettre en place les premiers projets en France dès 2027, il est ainsi nécessaire de consolider cette vision globale de la filière et l’état d’avancement des potentiels projets. Le Groupe de Travail National estime un potentiel de production du gaz renouvelable / bas-carbone injectable de 2 TWh/an en 2030, 12 TWh/an en 2035 et 50 TWh/an en 2050.

Les prochaines grandes étapes pour la filière sont :

  • le soutien à la réalisation des premiers projets pilotes,
  • l’établissement de partenariats internationaux pour partager les avancées technologiques,
  • la sensibilisation continue des décideurs politiques et du grand public aux bénéfices de la gazéification hydrothermale,
  • le développement de cadres réglementaires et des mécanismes de soutien favorables à l’industrialisation de la filière.

Que fait Yélé dans la gazéification hydrothermale ?

Afin de structurer et d’accélérer le développement de cette filière en France, GRTgaz a lancé un Groupe de Travail National dédié à la gazéification hydrothermale, dont l’objectif est de créer une synergie entre les parties prenantes pour favoriser l’émergence de projets et consolider une vision commune pour la filière. Depuis plus de 3 ans, Yélé anime ce GT aux côtés de GRTgaz. Notre rôle est de fédérer une cinquantaine d’acteurs (industriels, collectivités, gestionnaires de réseau gaz, fournisseurs de la technologie, laboratoires de recherche), de faciliter les échanges, d’encourager la collaboration et d’orienter les travaux vers des solutions concrètes et durables. Nous participons aussi à faire émerger la filière en France à travers diverses actions de sensibilisation et communication.

Notre soutien ne s’arrête pas à l’animation du groupe de travail. Nous apportons également un appui stratégique au directeur de la gazéification hydrothermale chez GRTgaz, en l’aidant à définir les orientations stratégiques, notamment via des analyses détaillées, l’évaluation d’opportunités de partenariat et l’anticipation des défis potentiels.

Cet accompagnement vient compléter notre expertise auprès des acteurs de la filière pour favoriser l’émergence des gaz verts dans la transition énergétique.

Auteur : Audrey BERGERON


Sources :