Au cours des dernières années, la Chine est devenue l’acteur dominant de l’industrie éolienne mondiale. Aujourd’hui, six des dix plus grands fabricants d’éoliennes sont chinois, une position acquise grâce à une politique industrielle et énergétique stratégique. Face à cette montée en puissance, la réindustrialisation éolienne en Europe émerge comme un enjeu crucial pour préserver la souveraineté énergétique du continent et relancer une dynamique industrielle locale.
Une ascension rapide soutenue par l’État chinois
La Chine a surpassé l’Europe dans la construction d’éoliennes, en grande partie en raison de subventions massives et de mesures protectionnistes qui favorisent les entreprises locales. Ces mesures permettent aux fabricants chinois d’accéder à un marché national immense tout en bénéficiant de coûts de production réduits. Par ailleurs, la baisse des prix des matières premières et un accès aisé aux financements ont renforcé leur compétitivité.
Dans un contexte de transition énergétique mondiale, la Chine a mis en place une stratégie pour sécuriser ses chaînes d’approvisionnement et limiter sa dépendance énergétique. Les investissements dans les infrastructures, la recherche et développement (R&D) et la formation de la main-d’œuvre qualifiée ont permis à la Chine de se positionner comme un leader incontesté du secteur éolien.
Un défi majeur pour les industriels européens
Les entreprises européennes, historiquement pionnières dans le domaine, font face à une concurrence féroce. Des entreprises comme Vestas (Danemark), Siemens Gamesa (Espagne) et GE Renewable Energy (France) peinent à rivaliser en termes de prix et de volume de production. La pression financière et les coûts de production plus élevés en Europe rendent la compétition encore plus difficile.
Cependant, l’Europe conserve un avantage technologique dans un segment spécifique : l’éolien flottant. Ce secteur permet d’installer des éoliennes en haute mer, où les vents sont plus puissants et constants. Mais la Chine commence à investir massivement dans ce domaine, réduisant ainsi l’avance européenne et augmentant encore la pression concurrentielle.
La trop grande dépendance de l’Europe vis-à-vis des fournisseurs chinois comporte des risques économiques et stratégiques. À long terme, cela pourrait rendre l’Europe vulnérable à des perturbations d’approvisionnement ou à des décisions politiques chinoises affectant les exportations.
Les incertitudes politiques aux États-Unis : un frein pour les investisseurs européens
Parallèlement à la montée en puissance de la Chine, les industriels européens ont également dû faire face aux politiques fluctuantes des États-Unis en matière d’énergies renouvelables.
L’arrivée de Donald Trump en 2017 a constitué un véritable obstacle pour les entreprises européennes investissant dans l’éolien offshore aux États-Unis. Son administration a favorisé les énergies fossiles et annulé plusieurs régulations favorables aux énergies renouvelables, ce qui a compliqué l’obtention des permis d’installation de parcs éoliens.
Des entreprises comme EDF Renouvelables et le groupe danois Ørsted ont subi d’importantes pertes financières en raison du gel ou de l’annulation de projets. Le projet « Atlantic Shores », qui devait fournir 2,6 GW d’énergie propre, a été ralenti en raison des incertitudes politiques et économiques.
Avec l’arrivée de Joe Biden, un soutien plus important a été accordé aux énergies renouvelables. Toutefois, les investisseurs européens restent prudents en raison de l’instabilité politique persistante aux États-Unis.
L’éolien, un levier pour la réindustrialisation en Europe
Face à ces défis, l’Europe cherche à renforcer son autonomie industrielle et énergétique. L’initiative « Wind Works for Europe », portée par WindEurope, vise à promouvoir l’éolien comme un moteur de croissance économique.
Actuellement, l’industrie éolienne européenne contribue à hauteur de 52 milliards d’euros au PIB de l’Union européenne et emploie 370 000 personnes. Ce chiffre pourrait atteindre 550 000 emplois d’ici 2030. Chaque éolienne construite en Europe génère environ 16 millions d’euros d’activité économique, un atout majeur pour la réindustrialisation du continent.
Cependant, l’UE ne construit pour le moment que la moitié de la capacité éolienne nécessaire pour atteindre ses objectifs climatiques à l’horizon 2030. Les principaux obstacles sont les lourdeurs administratives, la lenteur du développement des réseaux électriques et une électrification insuffisante.
Le secteur de l’éolien offshore est particulièrement concerné. L’UE ambitionne d’installer 120 GW d’ici 2030 et 300 GW d’ici 2050, mais seulement 35 GW sont présentement en place. Des problèmes de financement, des processus d’autorisation longs et des systèmes d’enchères mal conçus freinent le développement du secteur.
La montée en puissance de la Chine et les incertitudes politiques aux États-Unis obligent l’Europe à repenser sa stratégie industrielle et énergétique. Si elle souhaite rester compétitive sur le marché mondial de l’éolien, l’Union européenne doit simplifier ses régulations, accélérer le développement de ses infrastructures électriques et favoriser l’innovation. Un soutien politique et économique fort est indispensable pour assurer l’autonomie énergétique de l’Europe et préserver sa position dans le secteur éolien. La réindustrialisation éolienne en Europe est plus que jamais un impératif stratégique face aux géants internationaux.

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Sources
- Wind Works for Europe” – how wind energy helps Europe to re-industrialise – windeurope.org
- La distance des éoliennes en mer du réseau met à mal la production électrique – energiesdelamer.eu
- Eolien : les énergéticiens européens pris dans la tornade Trump – lesechos.fr
Rédacteurs : Cellule Veille et prospective Yélé Consulting