Un intérêt mondial croissant se manifeste pour le nouveau nucléaire, notamment autour des petits réacteurs modulaires (SMR). Ce regain d’intérêt est particulièrement stimulé par les besoins énergétiques importants des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), ainsi que par le contexte géopolitique actuel. Microsoft a même passé une commande significative pour l’électricité d’un réacteur existant remis en service. D’autres géants du numérique, tels que Google et Amazon, investissent également dans le développement des SMR. Cette nouvelle vague d’enthousiasme rappelle l’effervescence des années 1950 et 1960, qui avaient vu l’émergence de près de 70 concepts de réacteurs et de nombreuses start-up dans le secteur nucléaire. Face à cet engouement, la Commission européenne a lancé une « alliance » industrielle dédiée aux SMR en février 2024. La France a par ailleurs pris des mesures pour encourager la compétition dans ce domaine, en y allouant un investissement d’un milliard d’euros.
Les défis techniques et économiques des SMR
Malgré l’optimisme ambiant, le développement des SMR se heurte à des défis notables. Des projets antérieurs ont rencontré des difficultés majeures en termes de rentabilité et de maîtrise des coûts, comme l’illustrent l’abandon du projet de NuScale aux États-Unis et les premières phases du projet Nuward en France. La vitesse de production des SMR sera un facteur déterminant de leur viabilité économique, nécessitant potentiellement la fabrication de plusieurs unités par mois. De plus, le processus d’approbation par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) est souligné comme potentiellement long et complexe.
Des critiques émergent concernant la lenteur de l’État français dans le processus de sélection des start-up de SMR, avec des inquiétudes quant au financement insuffisant de ces entreprises. L’approvisionnement en uranium enrichi pour certains types de SMR représente un autre défi de taille, nécessitant le développement de nouvelles chaînes de production. Actuellement, les industries consommatrices d’énergie en France ne manifestent pas un intérêt marqué pour les SMR, percevant davantage de contraintes réglementaires, techniques et normatives que d’opportunités économiques.

Des critiques émergent concernant la lenteur de l’État français dans le processus de sélection des start-up de SMR, avec des inquiétudes quant au financement insuffisant de ces entreprises. L’approvisionnement en uranium enrichi pour certains types de SMR représente un autre défi de taille, nécessitant le développement de nouvelles chaînes de production. Présentement, les industries consommatrices d’énergie en France ne manifestent pas un intérêt marqué pour les SMR, percevant plus de contraintes réglementaires, techniques et normatives que d’opportunités économiques.
Les acteurs et les technologies en France
Plusieurs entreprises et start-up françaises sont activement engagées dans le développement des SMR. Parmi elles, Nuward, une filiale d’EDF, et Calogena travaillent sur des SMR basés sur des technologies déjà éprouvées. D’autres acteurs explorent des concepts plus novateurs, tels que les réacteurs à haute température ou les réacteurs à neutrons rapides. Les réacteurs à neutrons rapides sont présentés comme une solution prometteuse pour un recyclage plus complet du combustible usé. Cette technologie pourrait renforcer la souveraineté énergétique et améliorer la gestion des déchets nucléaires. Lors du conseil de politique nucléaire du lundi 17 mars, l’Élysée a affiché sa volonté d’atteindre la fermeture du cycle du combustible nucléaire dans la « deuxième moitié du siècle ». En ce qui concerne les start-up, la priorité sera accordée aux projets jugés les plus aptes à aboutir à la mise en service d’un démonstrateur au début de la décennie 2030. Néanmoins, les SMR ne constituent pas une invention entièrement nouvelle, Naval Group et TechnicAtome en France en produisent déjà depuis les années 1960.
Pour mieux comprendre la position française face aux injonctions européennes en matière énergétique, lisez notre article : La France maintient le cap sur le nucléaire malgré les pressions européennes.
Les enjeux de sûreté, d’acceptabilité et la concurrence internationale
La compétitivité des prix de l’électricité produite par les SMR, ainsi que leur acceptabilité sociale et les enjeux de sûreté, sont des facteurs clés qui détermineront leur succès futur. Le secteur de la défense est cependant présenté comme un fervent promoteur des SMR. Sur le plan international, la Finlande envisage d’utiliser des SMR pour son réseau de chauffage urbain. L’article souligne la nécessité pour l’Europe de rattraper son retard dans le domaine des SMR face à d’autres puissances. Bien que la Commission européenne ait pu initialement montrer une certaine réticence envers le nucléaire, les SMR semblent faire davantage consensus en raison de leur taille et de leurs caractéristiques de sûreté perçues comme améliorées, bien que le projet Nuward soit critiqué pour sa taille relativement importante. La Chine et la Russie ont déjà développé des SMR à des fins civiles, avec des projets chinois incluant des centrales flottantes, tandis que les ambitions russes sont freinées par les sanctions internationales.
SMR : focus sur les avancées dans le monde
Chine : L’industrie nucléaire chinoise est très dynamique et exporte ses technologies. La Chine possède déjà un SMR à haute température en activité (HTGR de l’université Tsinghua) et développe des centrales SMR flottantes. Ces projets pourraient être déployés dans des zones stratégiques, notamment autour du détroit de Taïwan et en mer de Chine méridionale, ce qui soulève des enjeux géopolitiques.
Russie : Elle s’intéresse depuis longtemps aux petits réacteurs nucléaires mobiles. En 2019, elle a mis en service l’Akademik Lomonosov, une centrale nucléaire flottante. Toutefois, ses projets actuels sont freinés par les sanctions internationales et la fragilité de son industrie.
Corée du Sud : Elle mise sur les SMR pour diversifier son mix énergétique et soutenir ses objectifs de décarbonation. Elle prévoit la construction d’un SMR d’ici 2036 et investit dans un complexe industriel dédié. Un partenariat avec NuScale vise également à utiliser ces réacteurs pour produire de l’hydrogène bas-carbone.
États-Unis : Le gouvernement de Biden poursuit la politique de soutien au nucléaire amorcée sous Trump, avec des aides à l’innovation et des réformes. Les États-Unis voient le nucléaire comme un outil de domination énergétique, en imposant leurs standards technologiques et en créant des dépendances d’approvisionnement pour les États clients. L’entrée des grandes entreprises technologiques (GAFAM) dans ce secteur pourrait accélérer le développement des SMR. Le 27 mars 2025, le Département américain de l’Énergie relance une enveloppe de 900 M$ pour financer la construction de SMR de troisième génération, dans l’objectif d’augmenter rapidement la capacité électrique nationale.
Royaume-Uni : Il a récemment modifié ses règles de planification pour faciliter la construction de petites centrales nucléaires, en particulier les SMR. Cette décision vise à soutenir le développement de projets nucléaires plus compacts et flexibles, permettant de réduire les coûts et d’accélérer leur mise en œuvre. Le gouvernement espère que cette initiative renforcera la sécurité énergétique du pays, en diversifiant les sources d’énergie, et réduira la dépendance au gaz naturel. La mise en œuvre de SMR pourrait également jouer un rôle clé dans la transition énergétique, en répondant aux objectifs de décarbonation à long terme.
Europe : L’Europe est en retard sur le marché des SMR. Bien que la Commission européenne ait été historiquement hostile au nucléaire, les SMR suscitent un consensus croissant en raison de leur sécurité et de leur flexibilité. Le projet européen le plus avancé est Nuward (EDF), mais son avenir est incertain. L’industrie européenne souffre d’un manque de coordination, illustré par la décision de Rolls-Royce de s’associer aux industriels américains (NuScale et Quantum) plutôt qu’à des partenaires européens.
En conclusion, le renouveau des SMR suscite un intérêt croissant pour une solution nucléaire flexible et stratégique, soutenue par des puissances mondiales et des géants technologiques. Cependant, leur déploiement à grande échelle reste confronté à des défis techniques, économiques et réglementaires importants. Le succès des SMR dépendra de la capacité à surmonter ces obstacles et à développer une vision stratégique collaborative, afin de faire de cette technologie un pilier de la transition énergétique mondiale.

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Sources
- « Londres ouvre la voie aux petits réacteurs nucléaires pour relancer l’énergie » – energynews.pro
- « La Corée du Sud envisage les NuScale SMR pour la production d’hydrogène » – energynews.pro
- « Washington débloque 900 M$ pour accélérer les réacteurs nucléaires compacts » – energynews.pro
- « La course d’obstacles du nouveau nucléaire » – Le Monde du 28 mars 2025
Rédacteurs : Cellule Veille et prospective Yélé Consulting – Eulalie MONTAGUT