En février 2020, le Groupe ADP a annoncé la signature1 avec le producteur UrbaSolar et le fournisseur d’énergie GazelEnergie d’un accord d’approvisionnement direct en énergie renouvelable, ou corporate PPA (Power Purchase Agreement).
Avec ce contrat, le Groupe ADP s’engage à acheter l’électricité produite par trois futures centrales photovoltaïques construites par UrbaSolar pour une durée de 21 ans. Cette électricité couvrira une partie des besoins énergétique du Groupe sur le long terme.
Ce corporate PPA est le 7ème du genre à être signé en France depuis le début de l’année 2019 pour un total supérieur à 230MW de capacités de production renouvelable achetées par des consommateurs finaux.
Alors que les projets éoliens et photovoltaïques liés à un PPA représentent une capacité de 21GW en Europe2, les consommateurs finaux comme le Groupe ADP occupent une place de plus en plus importante sur le marché des énergies renouvelables.
Dans cette série d’articles à propos des corporate PPAs, nous expliquerons :
- les facteurs de développement des corporate PPAs en France et en Europe,
- les opportunités et les challenges pour les entreprises,
- les perspectives d’avenir pour les corporate PPAs et les acheteurs d’énergie.
Partie 1 : Les corporate PPAs, une solution pour le développement des énergies renouvelables ?
Les énergies renouvelables intermittentes, incompatible avec la structure du marché européen ?
Suite à la libéralisation du secteur de l’électricité en Europe dans les années 2000, le marché de gros, ou Spot, est devenu une représentation fidèle de l’équilibre ou du déséquilibre entre l’offre et la demande sur le système électrique européen. Des blocs d’électricité s’y échangent heure par heure sur le marché day ahead, qui permet d’échanger de l’électricité le jour pour le lendemain, principalement pour des besoins d’équilibrage de portefeuille énergétique dans le cadre de la responsabilité d’équilibre3.
Malgré le fait que le marché day ahead ne représente que 20% à 40% des échanges totaux d’électricité selon les pays en Europe, son prix sert de référence pour une grande partie des contrats bilatéraux signés entre fournisseurs et consommateurs. Le prix Spot constitue donc un signal déterminant pour tout projet de développement de nouvelles infrastructures de production, conventionnelles ou renouvelables.
Le système électrique européen repose également sur l’ordre du mérite, qui détermine l’ordre selon lequel les centrales connectées au réseau sont appelées. Plus le coût marginal (constitué principalement du coût du combustible) de l’électricité produite par une centrale est faible, plus cette centrale sera appelée en priorité. Lorsqu’une quantité suffisante d’électricité est produite pour couvrir la demande sur une certaine période de temps, les autres centrales sont donc mises “en attentes” et ne peuvent pas injecter de l’électricité.
Le vent et le soleil étant gratuits, les énergies renouvelables intermittentes sont donc constamment prioritaires selon cet ordre du mérite, et “poussent” les énergies carbonées vers la sortie, baissant leur rentabilité. C’est ce qu’on appelle le “switching” (voir figure ci-dessous).
Il faut également considérer le fort investissement des gouvernements par le biais de subventions telles que l’obligation d’achat (l’énergie est achetée à un tarif garanti) et le complément de rémunération (l’énergie est vendue sur le marché puis l’État complète sur la base d’un tarif minimum)4 qui assurent un revenu fixe aux producteurs sur le long terme, annulant leur exposition aux variations des prix de marché. Grâce à la conjonction de ces mécanismes et de leur position prioritaire dans l’ordre du mérite, les énergies renouvelables prennent une place de plus en plus importante dans le système électrique européen.
En l’absence de capacités de stockage compétitives, leur caractère fatal et intermittent présente néanmoins un risque important pour la stabilité du prix sur le marché Spot, qui est très sensible à de fortes variations de l’offre ou de la demande.
En période de forte production solaire et éolienne, on peut constater une baisse importante du prix Spot, qui peut parfois atteindre des valeurs négatives. Puisque les énergies renouvelables ont tendance à produire en même temps car soumises aux mêmes aléas climatiques, on observe alors un phénomène de cannibalisation : plus les énergies renouvelables produisent de l’électricité, moins elles captent de la valeur sur le marché.
Or, la nature capitalistique d’un projet de centrale renouvelable impose aux producteurs de montrer leur capacité à sécuriser un revenu fixe sur le long terme issu de la vente de l’électricité produite afin d’obtenir les investissements nécessaires. Comme démontré plus haut, le marché de gros ne peut pas répondre à ce besoin.
Le recours aux subventions et son impact sur le modèle de marché européen, basé sur l’ordre du mérite, n’est pas viable sur le long terme et les mécanismes de subventions disparaissent peu à peu, forçant les producteurs à trouver de nouveaux débouchés pour la vente de l’électricité.
L’intégration massive et durable des énergies renouvelables intermittentes pour répondre aux objectifs fixés par la Commission Européenne dans le nouveau « Clean Energy Package »5 soulève alors la question suivante : comment les énergies renouvelables et intermittentes peuvent-elle s’inscrire dans la durée sur le marché de gros de l’électricité en limitant le recours à l’argent public ?
Les entreprises ont un rôle crucial dans le développement des énergies renouvelables
Dans le même temps, les entreprises cherchent à devenir des acteurs de la transition énergétique, notamment en sécurisant une fourniture d’énergie bas carbone et en participant au développement des énergies renouvelables. En parallèle, la volatilité grandissante des prix de l’électricité (due notamment à l’intermittence de l’éolien et du photovoltaïque) crée un risque sur les coûts énergétiques. Ce risque peut être réduit en fixant le prix d’une partie de son portefeuille énergétique sur le long terme.
Dans une situation où les développeurs renouvelables recherchent activement de nouvelles solutions de commercialisation de leur électricité afin de survivre à la fin des mécanismes de subvention et où les entreprises cherchent à acheter une électricité bas carbone tout en réduisant leur exposition aux prix de marché, il existe donc une situation favorable au développement des corporate PPAs en France et en Europe.
De nombreux challenges subsistent néanmoins pour les entreprises afin de profiter au mieux des opportunités créées par le développement des corporate PPAs. De la transformation des activités d’achat d’énergie à la valorisation auprès de ses clients, comment faire d’un corporate PPA un élément central de la stratégie de l’entreprise ?
Yélé Consulting, cabinet de conseil spécialisé dans l’énergie et le digital, a pour ambition d’apporter un appui stratégique et opérationnel aux entreprises qui souhaitent se positionner sur les nouveaux usages des marchés de l’énergie. Yélé Consulting propose un accompagnement en deux phases à la signature de corporate PPAs pour les consommateurs tertiaires et industriels :
– Une phase d’acculturation et d’étude de faisabilité pour définir le cahier des charges ainsi que faciliter la compréhension et les prises de décision à tous les niveaux de gouvernance de l’entreprise,
– Une phase d’accompagnement opérationnel, du lancement de l’appel d’offres à la signature du corporate PPA.
1 https://presse.groupeadp.fr/signature-ppa-energie-durable/
2 https://www.pv-magazine.fr/2020/01/30/le-marche-des-ppa-pour-les-energies-photovoltaique-et-eolienne-terrestre-estime-a-21-gw-en-2019-en-europe/
3 https://www.cre.fr/Electricite/Reseaux-d-electricite/Responsables-d-equilibre
4 L’obligation d’achat a été instaurée le 10 février 2000 en France, remplacée pour l’éolien par le complément de rémunération au 1er janvier 2016
5 32% d’énergies renouvelables dans le mix européen à l’horizon 2030
Matthieu BOISSON
Manager « Energy Markets & Industry », Matthieu BOISSON travaille chez Yélé Consulting depuis février 2017. Ingénieur en informatique de formation, il est spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2012. Passé par Powernext pour participer au développement du marché européen du gaz naturel et du registre français des garanties d’origine, il est maintenant responsable des activités de conseil sur les thématiques des marchés de l’énergie: appui stratégique pour anticiper l’évolution des marchés européens face aux défis réglementaires et environnementaux, gestion de projets complexes pour la valorisation des flexibilités sur les mécanismes nationaux, accompagnement à l’achat d’énergie renouvelable (Garanties d’origine, corporate PPAs).